Birgit Ulher manie la trompette comme si elle s’était transformée en machine, faisant tressauter la colonne d’air tant avec les lèvres qu’avec les plaques métalliques qu’elle applique sur le pavillon comme une sourdine, ou émettant un souffle impalpable qu’elle perturbe ensuite en saturant ou en percutant l’embouchure. Ute Wassermann qui s’applique aux appeaux, roucoule, caquète, jacasse, béquète, glousse, hulule avec la plus grande finesse. Leurs sons ininterrompus bruissent obstinément et s’enchevêtrent bien souvent, évoquant la manie éperdue du pivert. La linéarité de l’émission sonore est assumée de bout en bout de chacune des huit improvisations agitées par les rapides battements réitérés de volière prise au piège et qui tente en vain de s’échapper. Et pourtant malgré ce parti pris de scansion d’un seul temps accentué en quasi-permanence, il n’y a aucune redondance tant leur registre sonore est diversifié et leur acharnement convaincant. Le dialogue logique est évacué pour une complémentarité loufoque. La voix de la chanteuse est devenue celle d’oiseaux rendus fous et on finit par oublier qu’il s’agit d’une voix humaine ou féminine. Sur un fond lointain de radio, la trompette siffle et sussure et les appeaux zozotent dans l’aigu et tremblotent quand, soudaine, la trompette aspire abruptement le son « à l’envers ». Le disque nous révèle l’étendue de leur extraordinaire univers sonore, mais ne saurait remplacer la présence physique d’un concert, raison de plus pour réclamer leur venue dans votre ville. Une dizaine d’années après leur excellent premier Kunststoff sur le même label, Birgit Uhler et Ute Wassermann se sont surpassées. Ne ressemble à rien d‘autre de connu.
NB : ayant reçu un paquet CS considérable et ayant d’autres cd’s en attente d’écoute , j’ai été obligé de brader mon travail d’écriture vu l’urgence de vous communiquer mon enthousiasme.